My Land

Les témoins palestiniens sont très âgés. Ces femmes et ces hommes ont été chassé/e/s de leurs villages en 1948, et aujourd'hui, vivent ou survivent dans des camps de réfugié/e:s au Liban, loin de ces terres jamais oubliées, de leurs maisons, de leurs oliviers.

Les témoins israéliens sont jeunes, à l'exception d'un vieil Américain venu s'installer en Israël par idéal mais sans illusions. Nabil Ayouch, réalisateur de « My Land », montre aux seconds les témoignages des premiers, et filme leurs réactions.

Autant les histoires des Palestinien/ne/s ont une certaine cohérence, autant les réactions des Isarélien/ne/s sont diversifiées. Allant de celui que ces paroles venues de l'autre côté confortent dans sa conviction d'être dans son bon droit, jusqu'à celle qui a refusé de faire son service militaire parce qu'elle ne voulait pas défendre ce pays-là. En passant par celle qui dit qu'elle « n'est pas touchée » alors que tout son corps, son visage, ses yeux, filmés de près, disent le contraire.

Mais on peut aussi dire l'inverse : chez les jeunes Palestiniens interviewés aux côtés de leurs grands-parents, on perçoit bien la tension entre le désir de revenir dans une terre rêvée autant qu'aimée, qu'ils n'ont jamais connue – l'un d'eux affirme être prêt à y retourner sur les mains, s'il le faut – et un certain fatalisme parce qu'aussi décevante soit-elle, leur vie s'est construite ailleurs, un autre « chez eux ».

Et côté israélien, malgré toutes les différences, on constate une même – et effrayante – ignorance d'une histoire pourtant pas tellement éloignée : ce n'est pas une question de bonne ou de mauvaise volonté, mais d'un silence, sinon de mensonges, que ce soit en famille, à l'école ou dans les médias. Ces jeunes « ne savent pas ». Pourtant ils aimeraient savoir. Aucun/e des témoins sollicité/e/s par le réalisateur n'a refusé de regarder et d'écouter les témoignages des Palestinien/ne/s.

C'est tout l'art de Nabil Ayouch de montrer le conflit israélo-palestinien par une approche simplement humaine, sans jugement, même si l'on imagine que certaines réactions israéliennes ont dû lui donner envie de poser caméra et micro...

Ce sont peut-être ses origines mélangées – mère juive, père musulman – qui ont permis à Ayouch de sortir d'une position purement manichéenne qui dresse trop souvent haine contre haine. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir des positions bien ancrées, contre l'occupation, en faveur de pressions internationales fortes sur Israël, pour un boycott économique – mais contre un boycott culturel. Même si actuellement, il semble désespérer d'une quelconque solution.

Le débat qui a suivi a pu rester dans le même ton, sans aucune insulte pour « l'autre camp », ce qui est rare sur le sujet.

Si « My Land » passe près de chez vous, ne le ratez pas. C'est un film exceptionnel, qui vous ouvrira les yeux et les oreilles, sur des vécus qu'on a parfois du mal à saisir.

 

 

P.S. Une remarque personnelle, sous un tout autre angle : la participation de la salle a illustré jusqu'à la caricature le rapport sexué à la parole. Tandis que les femmes posaient des questions ou au plus, se permettaient une brève remarque, la plupart des intervenants masculins ne pouvaient s'empêcher de faire des discours.

Mis à jour (Mardi, 03 Mai 2016 09:16)