Le français, c'est ma liberté

Ce matin, en me branchant comme tous les jours sur France Inter, j'apprends que c'est la semaine de la langue française. J'ai personnellement avec le français une relation passionnelle, aussi pleine de rires, de douceurs que d'orages ; pourtant, au bout de cinq minutes d'émission, j'en ai déjà ras l'accent grave.

Les Français ne peuvent pas s'en empêcher : qu'ils parlent de leurs équipes de foot, de leurs intellectuels, de leur taux de chômage ou de leur langue, ils sont forcément les « meilleurs » - ou alors les « pires », mais en tout cas ils sont « plus » que tous les autres habitants de la terre, pauvres vermisseaux rampants dans leur médiocrité. J'exagère à peine : ce matin, j'ai donc entendu que le français était la langue à la fois la plus claire, la plus belle, la plus douce, le plus profonde, que son destin était d'être « la langue de la liberté » ! N'en jetez plus!

Le français, je l'ai découvert à 8 ans, ce n'était que ma troisième langue, après le polonais et l'hébreu, juste avant le néerlandais et l'anglais. Je ne sais pas si je suis « tombée en amour » ou si simplement, les circonstances de ma vie ont fait que c'est dans cette langue-là que j'ai grandi, découvert les bonheurs de la lecture et de l'écriture. En tout cas maintenant, c'est bien avec elle que j'aime jouer, avec ses pièges, ses bizarreries, ses chausse-trappes (ce pluriel est-il vraiment correct... ?) Je ne l'aime pas comme on aime sa famille « naturelle », par une sorte de fatalité, mais comme on aime ses ami/e/s, celles et ceux que l'on a pu croiser et choisir, parmi d'autres possibles – tout en sachant que ces possibles sont en nombre limité. J'adore la musicalité du russe, le charme de l'italien, je suis attirée par la rudesse apparente des langues scandinaves, sans même évoquer toutes celles que je n'ai même pas eu la chance d'entendre, et le polonais fait toujours battre mon coeur. Mais voilà : ma langue, c'est désormais le français.

J'admire les personnes qui maîtrisent plusieurs langues, qui peuvent sauter de l'une à l'autre, en choisir une pour la communication, une autre pour les rêves, une troisième encore pour l'amour, et découvrir plusieurs littératures en version originale. Même si je comprends et baragouine d'autres langues, c'est bien le français qui est mon univers, et je me désole de constater combien on le préserve mal, en le criblant d'anglicismes souvent inutiles, quand ce n'est pas en le remplaçant carrément par l'anglais « langue universelle » (donc très pauvre) dans les contacts internationaux ou même dans certains colloques à Bruxelles, pour éviter les traductions français-néerlandais ! Dans ces cas, je sors mes griffes... et ma langue, sans jamais penser pour autant qu'elle a une quelconque "supérieure" sur les autres : je voudrais juste qu'elle reste vivante (merci le Québec !).

Non, je ne considère pas le français comme « la langue de la liberté », mais elle est incontestablement celle de ma liberté à moi, et cela me suffit pour avoir envie de la défendre.

Mis à jour (Lundi, 14 Mars 2016 09:51)