Ce n'est pas un obstacle, c'est un inconvénient

 
Anne Sylvestre s'en est allée rejoindre les "sorcières comme les autres", j'ai eu envie de partager avec vous un souveir personnel.
 
C'était à Pourchères, en juin 2016. Je m'étais inscrite à un stage d'écriture animé par Anne Sylvestre, précédant un festival de chanson, les Chansonnades.
Pourchères, c'est un village en Ardèche, sans un café, une boulangerie, un quelconque lieu où s'isoler des autres, sauf la campagne. Si on ne dort pas ensemble, toutes les autres activités se font en commun, depuis le petit déjeuner jusqu'au repas du soir, en passant par la sieste et, bien sûr, les ateliers.

Anne n'était pas dupe : comme elle l'a dit plus tard à une amie commune, elle savait que je n'étais pas venue là pour « travailler mon écriture » mais pour passer du temps avec elle, elle que j'admirais tant tout en la craignant quand même un peu. Elle avait une réputation de "râleuse" (ce qui n'est pas fait pour me déplaire); elle s'est montrée de fait très exigeante, autant qu'encourageante, et aussi d'une grande patience avec les débutant·es.
J'étais la « Belge » de service (et « belge », ça ne rime avec rien), celle qui ne respectait jamais l'ensemble des consignes, qui s'imposait des contraintes supplémentaires et qui a eu la chance infinie d'interpréter un de ses textes sur scène avec Anne, en ouverture du festival. Anne a aussi écrit pour l'occasion une chanson en l'honneur ces Chansonnades, que l'ensemble des participant·es ont eu le bonheur d'interpréter avec elle.

Mon texte s'appelait « Ce n'est pas un obstacle, c'est un inconvénient », thème qu'elle avait lancé parmi d'autres, d'apparence plus abordable. J'en avais fait une « lettre de motivation » pour être acceptée au stage, lui faisant la liste de toutes mes imperfections mais prête à tout pour me rendre utile («faire le ménage, vous gratter le dos, chasser les mouches... ») Et elle, à chaque fois que j'énumérais l'une de mes incompétences, lâchait « ce n'est pas un obstacle, c'est un inconvénient ».
Me trouver sur une scène à ses côtés restera le plus beau moment de ma brève carrière artistique.

Lors du festival lui-même, deux artistes ayant dû déclarer forfait pour cause de maladie, leur concert a été remplacé au pied levé par une celui, improvisé, de Francesca Solleville et Anne Sylvestre, avec Nathalie Fortin au piano (et à la course après les feuilles qui s'envolaient dans ce décor magique). J'en ai vu des spectacles d'Anne surtout ces dernières années; celui-là fut le plus fou et le plus émouvant.

Ces souvenirs reviennent en force en ce jour où elle est allée rejoindre toutes les sorcières. Pour parler d'elle, son absence n'est peut-être pas un obstacle, mais c'est à coup sûr un inconvénient.

On peut retrouver un (mauvais) enregsitrement ici (à partir de 1min30) : https://soundcloud.com/ireneka-785283039/lettre-de-motivation-avec-as-publicwav

Mis à jour (Mercredi, 02 Décembre 2020 10:36)