Femmes-hommes : l'égalité mérite mieux !

 

 

Dans la vague d'indignations diverses (et que je partage) soulevées par l'émission Questions à la Une consacrée à (la peur de) l'islam (1), il est un élément rarement pointé et qui me paraît pourtant central, tellement il devient répétitif : l'instrumentalisation de l'égalité entre hommes et femmes pour stigmatiser ces « autres » qui, contrairement à « nous », oppriment leurs femmes.

C'est, hélas, devenu un véritable fonds de commerce pour des groupes, des médias, des partis, qui se soucient de cette égalité comme de leur premier poil de moustache, mais n'hésitent pas à monter en première ligne pour défendre cette « valeur fondamentale de notre culture ». Car cette égalité ne serait pas seulement une valeur nous distinguant du bonobo et d'autres peuplades n'ayant pas atteint notre degré de civilisation, mais serait même un acquis chez nous, comme on peut le constater en regardant le plateau de nos débats télévisés, les tribunes des forums économiques, les grands rendez-vous politiques de la planète occidentale ou encore, en consultant les statistiques sur les violences (éradiquées ?) faites aux femmes, l'écart salarial (comblé ?) ou le partage (équilibré ?) des tâches domestiques. Et j'en passe.

"La fête de la femme" !

Qu'on me comprenne bien : les propos relevés dans l'émission sont inacceptables, parfois grotesques (comme sur le 8 mars , cette « fête juive » donc pas halal), souvent consternants (le contenu de certains livres prônant la soumission de « la » femme). La vision des jeunes sur les rapports hommes-femmes semble aussi tirée de vieilles casseroles. Mais enfin, d'un côté ce n'est pas généralisable à tous les musulman/e/s et de l'autre, ce n'est hélas pas spécifique à l'islam le plus borné. Les masculinistes qui rabâchent (y compris à l'invitation de la RTBF) les périls de la « féminisation » de la société ? Les théories fumeuses sur « Mars et Vénus » - les femmes ne sont qu'amour et empathie, les hommes sont de guerriers... ? Voilà des discours "bien de chez nous", et pourtant ! Sans oublier toutes les inégalités persistantes et le peu d'écho que rencontrent les féministes quand elles tentent de les dénoncer. Ou la méconnaissance crasse des journalistes qui se font, pour la bonne (ou la mauvaise) cause, les héraults d'un soir de l'émancipation des femmes : il faudrait dire à Frédéric Deborsu (le journaliste qui a commis le reportage) et à Bruno Clément (le responsable de l'émission) que le 8 mars, pas plus qu'une « fête juive », n'est pas, comme cela a été dit dans l'émission la « fête de LA femme (...) pour célébrer l'égalité entre les hommes et les femmes » mais une journée de lutte DES femmes contre les inégalités toujours persistantes.

Dans un papier qui pourtant défend l'émission (2), Felice Dassetto souligne un passage très significatif montrant une jeune musulmane rebelle : « Intéressant, par son ambiguïté, le propos de Deborsu, pour qui une femme avec une tenue provocante est de manière évidente émancipée. On est là au cœur d'un des débats que les musulmanes amènent avec leurs revendications ». Il n'y a là, hélas, aucune ambiguïté : pour nos frais (et très relatifs) convertis à la cause des femmes, la seule « libération » possible est vestimentaire. Ceux-là adorent les « slutwalks ». Quant au « débat » auquel F. Dassetto fait allusion, il n'a malheuresement pas lieu.

 

Rien que du "vrai"

Un mot encore : l'argument de défense de la RTBF, c'est que tout ce qui est montré est « vrai ». Comme si l'accumulation de faits « vrais » finissait forcément par construire une « vérité ».

Imaginons donc une tout autre émission, sur le thème : « Faut-il craindre une montée de l'homophobie dans la République française »( sous entendu : laïque) ?

On pourrait interroger l'un/e des 50 « maires pour l'enfance » qui militent activement contre la reconnaissance du mariage homosexuel (3), se disant soutenus par plus de 10 000 autres qui n'osent pas se mettre en avant (parce que, n'est-ce pas, le lobby gay... ce ne serait pas dit, mais suggéré). Un subtil montage montrerait en fond d'image la manif anti-PACS avec le fameux slogan « Les pédés au bûcher » (tout à fait authentique), sans oublier la petite musique dramatisante, des fois qu'on n'aurait pas compris le message « attention, danger ». On ajouterait l'une ou l'autre interview, faite de préférence quelques semaines plus tard, qui affirmerait que la manif ne se voulait absolument pas homophobe. Bien entendu, on ajouterait rapidement que tous les élus français ne partagent pas ces prises de position, qu'ils sont ouverts, tolérants... mais malheureusement, on n'aurait pas le temps de les entendre.

Ensuite, sur une musique guillerette, on montrerait les images d'un événement récent, filmé sans même le besoin d'une caméra cachée : un imam célébrant le mariage entre deux hommes (4), avec interview de Mohamed Zaheb, l'un des époux et auteur du livre « Le Coran et la chair », expliquant comment l'islam est homo-compatible. Zoom sur le baiser des heureux mariés, dernière petite allusion aux maires anti-mariage, générique de fin.

Tout est vrai : le collectif de maires, la manif homophobe, le mariage homosexuel. Alors, faut-il en conclure que les homos français devraient davantage faire confiance aux imams qu'aux élus, dans ce pays si fier de sa laïcité... ?

--

A noter que le Vlaams Belang n'a que du bien à dire de l'émission, réservant ses flèches au "despote Moureaux" (qui en l'occurrence a bien cherché les ennuis avec ses comparaisons foireuses). Bien sûr, ce n'est pas parce que le VB dit qu'il pleut qu'on peut en conclure que le soleil brille. Mais dans ce cas, c'est tout de même significatif. (Comme d'habitude en ce qui concerne l'extrême-droite, je ne donne pas le lien).

 



 

 

 

Mis à jour (Vendredi, 20 Avril 2012 11:10)